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Permis de sortir?
Questionnements autour des séjours externes en MAS

Laëtitia Kaisser, Psychologue clinicienne - Octobre 2016
 

Les séjours externes pour les résidents vivant en MAS sont le plus souvent des week-ends ou des vacances en famille. L’occasion pour beaucoup de retrouver leur cocon familial. Ce sujet des « permissions » nous amène à plusieurs questionnements que nous allons présenter dans cet article.

Un vocabulaire à améliorer ?

Il n’est pas rare d’entendre dans les couloirs d’un établissement médico-social, en fin de semaine ou en période de vacances, le mot « permission » à travers des phrases telles que « Il part en perm’ » ou encore « Elle n’a pas eu l’autorisation pour sa permission ». C’est ainsi que les vacances et week-ends des résidents sont évoqués. D’un point de vue externe, étrange façon de dire que le résident part pour le week-end, dans le domicile dont il est parfois encore propriétaire ! Si nous transposons ce terme dans la vie ordinaire, nous viendrait-il à l’esprit de dire que nous allons en permission lorsque nous faisons nos bagages pour passer le week-end dans notre maison de campagne ?

Tout d’abord, intéressons-nous à l’origine de ce terme. Que se cache-t-il derrière ce mot « permission » ? L’étymologie nous apprend que ce mot vient du latin « Permissionem » qui signifie « permettre ». En effet, « permission » est défini par le dictionnaire Littré comme « l’autorisation de dire, de faire ». Le dictionnaire Le Larousse ajoute ceci : « Autorisation d'absence, de sortie pour une durée limitée accordée à certains malades, certains prisonniers, etc. (Abréviation familière : perm.) ». De son côté, le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales souligne la référence militaire : « congé accordé à un militaire ».

Nous comprenons à présent que ce terme « permission » utilisé en MAS (ou FAM) vient donc du milieu hospitalier où effectivement le patient doit demander une autorisation de sortie, donc obtenir une permission, pour quitter l’établissement. Toutefois, en établissement médico-social il est souvent dit au résident « ici, vous êtes comme chez vous !», contrairement à un séjour à l’hôpital (même si ce dernier est de quelques semaines, nous ne ramenons pas nos meubles !). Or, il faut bien une autorisation pour sortir. Certes, cette autorisation de sortie est justifiée par un aval médical, elle n’est pas là sans raison ou administrée de façon arbitraire. Cependant, nous ne pouvons pas nier ce vocabulaire qui laisse peu de place à la possibilité de se sentir « comme à la maison ».

De plus ce terme peut infantiliser la personne en situation de handicap. C’est souvent un jeune adolescent à qui la sortie est autorisée ou non. La liberté d’aller et venir est bien présente dans les établissements médico-sociaux comme le rappelle la Charte des droits et libertés de la personne accueillie (Article VIII) : « [...] Il est garanti à la personne la possibilité de circuler librement. A cet égard, les relations avec la société, les visites dans l'institution, à l'extérieur de celle-ci, sont favorisées». Cependant, cela est précédé de cette phrase : « Dans les limites définies dans le cadre de la réalisation de sa prise en charge ou de son accompagnement et sous réserve des décisions de justice, des obligations contractuelles ou liées à la prestation dont elle bénéficie et des mesures de tutelle ou de curatelle renforcée » (pour aller plus loin, un document concernant la loi liberté d’aller et venir en établissement médico-social est disponible sur le site www.psymas.fr à cette adresse).

Ne pouvons-nous pas simplement utiliser des mots tels que vacances, week-end, sortie plutôt que permission ? Aval médical plutôt qu’autorisation ? Cela reste peut-être à réfléchir en équipe pluridisciplinaire dans chacun des établissements. Les mots que nous utilisons au quotidien ont souvent beaucoup plus d’impact que nous saurions l’imaginer.

Des jours de vacances restreints ?

Une fois l’aval médical obtenu, le résident peut partir en week-end ou vacances. Cependant, il doit respecter les engagements du contrat de séjour.

Les contrats de séjours limitent le plus souvent le temps passé hors des murs de l’établissement. Nous pouvons y lire par exemple : « le nombre de jours d’absence des résidents ne devra pas en principe dépasser 35 jours par an, sauf cas exceptionnel autorisé par le Directeur. Pour des raisons d’organisation, le cadre doit être prévenu une semaine auparavant ». En règle générale, les résidents ont droit à cinq semaines de vacances ou entre trente-cinq et quarante-cinq jours suivant les établissements. Le dimanche, le jour de départ et de retour ne sont pas toujours comptabilisés dans les jours d'absence.

Des règles parfois difficiles à admettre par les résidents et les familles qui souhaiteraient passer plus de temps ensemble à la maison. En revanche, si nous transposons cette règle à la vie ordinaire, ces cinq semaines de congés nous rappelle les cinq semaines de congés payés auquel nous avons tous droit.

Qu’est-ce que les vacances ?

La personne accueillie peut donc décider de partir en vacances durant un temps maximum de cinq semaines par an. Que faire durant ces vacances ? Quel sens prend ce mot d'ailleurs?

Les vacances sont définies comme une « période plus ou moins longue pendant laquelle une personne cesse toute activité professionnelle pour se reposer, se détendre ». Dans le langage courant,« les vacances sont une période de temps pendant laquelle une personne cesse son activité habituelle pour se reposer et parfois partir en voyage d'agrément ». Lorsque nous écoutons une personne évoquer ses vacances, le plus souvent le but est de changer d’air, changer de lieux, changer ses habitudes, se détendre ou au contraire faire du sport ou une activité qu’elle ne fait pas en temps habituel…

Pour les résidents en MAS nous avons observé que les vacances sont le plus souvent familiales : ils retournent dans leur logement précédent, celui où ils vivaient avant leur accident de vie, ou chez leurs parents.

Des vacances familiales ou collectives ?

La plupart des résidents de MAS (tout comme les professionnels !) attendent les vacances avec impatience. Ils sont très heureux à l’idée de rentrer dans leur domicile et de sortir un moment de la vie en collectivité. Cependant les retours au domicile ne se déroulent pas toujours comme espéré : durant la période de vacances, la famille (conjoint ou parents) prend soin de son proche en situation de handicap. Lors des moments intimes (moment de la toilette par exemple) il peut y avoir des gênes liées à la pudeur et cela aussi bien du côté du résident que du proche. Ou encore de l’épuisement de la part de l’aidant dû aux manipulations, mais aussi de l’aidé qui se retrouve davantage stimulé. Enfin il faut aussi considérer l’architecture empêchant la bonne mobilité de la personne en fauteuil. Il peut apparaître difficile de se détendre dans ces conditions.

Il faut prendre en compte la particularité de chaque personne. Par exemple les jeunes adultes aimeraient, pour certains, passer des vacances hors du milieu familial, sans vraiment l’avouer à leurs parents comme cela a été le cas pour Madame A :

Madame A est partie avec ses parents dans un club de vacances adapté pour son handicap. Ses parents étaient d’accord pour faire des sorties qu’elle ne pourrait pas faire, l’un après l’autre, tout en profitant chacun de tête à tête avec leur fille. Cependant Madame A. n’a pas apprécié ces vacances. Elle a demandé à rentrer plus tôt que prévu à la MAS où elle séjourne. Les parents se sont sentis complétement désarmés lors de ce séjour, pensant avoir tout fait pour la rendre heureuse. Il s’est avéré que la jeune femme avait mal vécu ce séjour, se sentant comme un poids pour ses parents. Après une discussion familiale il a été convenu que pour les prochaines vacances, Madame A. partira avec une association pour profiter de ses vacances seule, sans ses parents ! Elle profitera d’eux durant les week-ends.

Ces vacances « ratées » ont permis à Madame A. de mettre en avant son désir de s’émanciper de ses parents, ce qui est toujours plus délicat à faire dans une situation de dépendance.

Parfois les vacances sont organisées au sein même de l’établissement : par exemple une dizaine de résidents partent une semaine au bord de la mer avec comme accompagnant le personnel de l’établissement. Il y a un côté rassurant de partir avec des personnes connues. Les soins et les habitudes restent à peu près les mêmes. Ce type de séjour permet aussi au personnel de voir le résident sous un autre jour, en dehors du quotidien et inversement, puisque l’ambiance y est plus détendue.

Néanmoins, il faut garder à l’esprit que cela ne convient pas à tous. Certains résidents (voire professionnels) ne supportent pas de se retrouver à nouveau en collectivité, et ne considèrent alors pas cela comme des « vacances ». De plus avec des personnes qu’ils ont parfois difficultés à supporter dans leur quotidien.

Monsieur B est une personne solitaire aimant le calme. Il a tout de même souhaité se rendre au séjour organisé par les professionnels de la MAS. Mais une fois sur place, il a eu beaucoup de difficultés à se sentir en vacances : Se retrouver une nouvelle fois en collectivité, ne pas pouvoir se retrouver seul et devoir participer aux activités du groupe n’était pas plaisant pour lui. C’est une personne qui aurait probablement détesté les clubs de vacances !

Il faut alors parfois trouver d’autres solutions qui conviennent mieux à la personnalité du résident. Certaines associations, tel qu’APF-Evasion ou Handi-Loisirs, organisent des séjours adaptés aux résidents en situation de handicap, certes cela reste des vacances en collectivité, mais avec d’autres personnes, permettant de faire de nouvelles rencontres.

Enfin, une autre option, se présentant rarement, est d’effectuer des vacances « inter-MAS » : un échange s’effectue entre deux résidents, l’un allant dans l’établissement de l’autre. Par exemple entre un résident souhaitant prendre l’air à la montagne et un autre souhaitant visiter Paris ou se rapprocher de sa famille. Ce n’est pas toujours évident à mettre en place, mais pas impossible !

Les vacances nous font rêver, tellement que parfois la déception peut-être grande lorsqu'elles ne se déroulent pas comme prévu. C’est un moment de changement, de découverte, de repos. C’est aussi l’occasion de s’éloigner du quotidien. Et de partager avec d’autres ce que nous avons vécu ou ce que nous souhaiterions vivre !
En effet, la planification des vacances a aussi son importance. Une étude scientifique menée aux Pays-Bas a confirmé ce phénomène : publiés au Journal Applied Research in Quality of Life, les chercheurs ont constaté une dose importante de dopamine lors des préparatifs des vacances. Comme un pic de gaieté. Ainsi, laissons tant que possible la personne en situation de handicap anticiper, préparer, planifier ses vacances, puisque cela lui permet de rêver de ce moment tant attendu et limité dans le temps!