Le stade phallique

Le stade phallique (de 3 à 5-6 ans)

Lors du stade phallique, l’investissement érotique passe de la zone anale à la zone génitale. S’il n’est pas encore distingué comme organe reproducteur, le pénis prendrait une valeur narcissique pour l’enfant par le déploiement de la libido sur cette zone (Bergeret parlera d’ailleurs de « sexe narcissique »).
C’est à ce stade psycho-sexuel que se déploie le complexe d’Œdipe, si cher à la psychanalyse freudienne. L’idée centrale de cette hypothèse est que le jeune garçon éprouverait des sentiments tendres à l’égard de sa mère (amour) et agressifs à l’encontre de son père (haine).
Pour Freud, trois formes particulières du complexe d’Œdipe peuvent exister chez le jeune garçon :

- Une forme positive, avec amour pour la mère et haine pour le père.
- Une forme négative, avec attitude féminine tendre pour le père et hostilité agressive pour la mère.
- Une forme mixte, porteuse d’ambivalence à l’égard des deux parents (composantes hétéro et homosexuelles).

Le dépassement de ce complexe est conçu par Freud (et ses continuateurs) comme fondamental pour la structuration de la personnalité. Ses enjeux sont en effet multiples et cruciaux :
En premier lieu, il permettrait l’acceptation du corps comme sexué(1) et la préparation du choix d’objet d’amour définitif du futur adulte (homo- ou hétérosexuel) à la puberté.
En second lieu, la résolution heureuse de ce complexe permettrait la constitution d’un authentique Surmoi(2) (ainsi que d’un véritable Idéal du Moi(3)), avec notamment l’inscription de la loi fondamentale visant la prohibition de l’inceste et du parricide.
Il s’agit donc, en résolvant le complexe d’Œdipe, de parvenir à la constitution d’une personnalité authentique, porteuse de sens et structurée sur l’interdit civilisateur.

Pour Freud, le jeune garçon résoudrait ce complexe grâce à l’image paternelle. C’est la double castration que craint l’enfant (narcissique, par inhibition du phallus comme organe de puissance, et génitale, par la suppression fantasmée de l’organe pénis) qui lui ferait renoncer à ses désirs incestueux et lui ferait adopter un désir viril le rapprochant de son père. La crainte de la castration et celle de perdre l’amour du père l’inscrivent dans une transformation de position psychique : du jeune enfant voulant être à la place du père, le sujet parvient à celle du jeune enfant voulant être comme son père. C’est dans cet écart symbolique que se nicherait le déclin du complexe d’Œdipe et la bonne résolution de l’angoisse de castration dont il était porteur.
La prohibition de l’inceste s’inscrirait donc dans une relation triangulaire, permettant à l’enfant de structurer sa personnalité par l’interdit et l’identification au père générant le renoncement à la mère comme objet d’amour. Ce renoncement fondamental permettrait à l’enfant d’accéder à la génitalité, et par là de préparer l’avènement d’une puberté où s’opérera un choix d’objet d’amour extérieur à la famille.
Le non-dépassement de ce complexe (en lien, par exemple, avec des difficultés concernant les enjeux non-résolus du stade oral) mènerait à l’instauration d’un climat incestuel(4), très destructeur pour la personnalité de l’enfant (l'inceste est vu, en psychanalyse, comme un assassinat psychique).
En ce qui concerne le destin du complexe d’Œdipe chez les filles, l’hypothèse freudienne (déjà jugée fragile par son propre auteur) a été vivement contestée et fait l’objet de propositions alternatives de la part de psychanalystes contemporaines.

(1) Il est question ici de sexuation (génitalité) et non de sexualité (recherche de plaisir au sens large).
(2) Le Surmoi représente l’instance psychique dans laquelle se retrouvent tous les interdits intériorisés (parentaux comme sociétaux). Son « rôle » est d’être le critique du Moi en lui prescrivant « ce qu’il ne doit pas être ». Un trop grand écart entre le Moi et le Surmoi donne lieu à des vécus de culpabilité.
(3) L’Idéal du Moi, issu du Surmoi, est projeté à l’extérieur du Moi pour lui servir de modèle auquel se conformer. Il s’agit des exigences intériorisées (parentales comme sociétales). Son « rôle » est de montrer au Moi « ce qu’il devrait être ». Un trop grand écart entre le Moi et l’Idéal du moi donne lieu à des vécus de honte.
(4) L’incestuel renvoie à la notion de climat familial, tandis que l’incestueux fait référence à l’acte d’inceste lui-même.